Le rapport particulièrement sévère de la Chambre Régionale des Comptes sur La gestion et l’exploitation du Parc des expositions de la porte de Versailles pour les exercices 2010 à 2019 a quelque peu secoué le landerneau politico-administratif parisien durant cet été
Ses magistrats ont constaté tout d’abord que l’objectif affiché par la Ville de Paris de moderniser le Parc des expositions concédé depuis 1987 à la SEPE ( Société d’Exploitation du Parc des Expositions) devenue en 2008 filiale du groupe Unibail-Rodamco sous le nom de Viparis Porte de Versailles, n’a pas été totalement atteint faute de réflexion globale sur son aménagement : Il faut savoir qu’en dépit de cette volonté de modernisation, le contrat de concession de 1987 ne prévoyait pas de programme de travaux et laissait au concessionnaire l’initiative du renouvellement et de la modernisation des installations. Ce n’est qu’en 1996 que la Ville, constatant que le « Parc des expositions se trouvait désormais confronté à une obsolescence de ses équipements immobiliers », a forcé la main à Viparis en concluant un avenant définissant un programme pluriannuel d’investissement (PPI) de 554 M€ à réaliser par le délégataire et prolongé, en contrepartie, la concession de dix ans jusqu’au 31 décembre 2026. Mais Viparis n’a pas effectué la totalité des travaux prévus pour les années 1996 à 2012, en n’ayant réalisé que 384 M€ de travaux au lieu des 439 M€ attendus qui, de surcroît, ne correspondaient pas aux investissements décrits dans le programme pluriannuel. «Une telle situation s’explique par l’insuffisance des informations que Viparis transmettait à la Ville de Paris, qui aurait dû mieux contrôler la concession, et surtout par le fait que la Ville n’a pas utilisé les outils dont elle avait la maîtrise, notamment l’urbanisme règlementaire, pour conduire une stratégie globale d’aménagement du Parc» expliquent les magistrats.
Ensuite, à ses yeux, le projet de La tour Triangle, porté par le groupe privé Unibail-Rodamco, a été inséré de façon critiquable dans l’enceinte du Parc des expositions de la Porte de Versailles, ce qui a eu un impact important sur l’exploitation du parc. La Tour crée une coupure au milieu du Parc et réduit de manière significative la superficie du Pavillon 1, qui offre les plus grandes surfaces de plain-pied en Europe et accueille les salons les plus emblématiques. «Rien ne contraignait la ville, à soutenir un tel projet, porté par des personnes privées. Elle aurait pu engager la réalisation, dans l’enceinte du Parc, de nouveaux équipements hôteliers, accessoires nécessaires à un parc moderne, en la confiant à des opérateurs privés dans le cadre d’un appel à la concurrence sur l’exploitation de l’ensemble du Parc» écrivent ils. «Bien que d’un objet distinct de celui de la concession de gestion du Parc, les études et travaux à effectuer sur la parcelle à distraire de l’emprise de la concession ont été réalisés par la société Viparis, gestionnaire du Parc, qui les a imputés sur les comptes de la concession» indiquent les magistrats qui ont constaté que la Ville a aussi accepté d’indemniser son concessionnaire Viparis à hauteur de 263 M€ pour un préjudice non démontré : «Pour réaliser ce nouveau projet, la Ville de Paris a résilié la concession de manière anticipée, à la fin de l’année 2014, en acceptant de verser une indemnité de résiliation à la société Viparis alors que celle-ci n’a pas démontré avoir subi un préjudice. En effet, titulaire d’un nouveau contrat qui, de fait, succède au précédent, la société a continué d’exploiter les installations. Elle ne pouvait donc se voir indemniser de biens dont elle continue de disposer et d’un manque à gagner dont elle ne souffre pas. Bien au contraire, le nouveau contrat comporte des avantages pour elle puisqu’elle bénéficie désormais de droits réels sur les biens, qu’elle n’est plus astreinte à des obligations de service public». Enfin, au terme d’une négociation inégale, la Ville de Paris a ensuite conclu avec Viparis un bail emphytéotique administratif (BEA) dans des conditions en partie contestables (délais de dépôt des offres initiales et finales courts au regard de l’importance et de la complexité de l’opération, inégalité des candidats face à la consultation et au regard du droit d’entrée demandé par la ville de Paris).
Au final, le groupe Viparis, désormais titulaire d’un bail de 50 ans, a renforcé sa position dominante sur son marché et tente aujourd’hui d’élargir son activité au-delà des stipulations du contrat. «En 2006, pour compenser son quasi-monopole, Viparis avait dû prendre des engagements en matière de tarifs et de non-discrimination. Or, la conclusion du BEA pour une durée de 50 ans prolonge durablement la position de quasi-monopole de Viparis. En outre, elle ne porte pas sur des missions de service public, ce qui libère Viparis de certains encadrements visant à modérer sa position sur le marché : ses engagements en matière de non discrimination pour l’organisation des manifestations ont été assouplis ; la Ville de Paris a perdu son rôle de régulation des tarifs appliqués aux organisateurs d’évènements. Viparis tente désormais d’élargir ses activités en cherchant à compléter la programmation du Parc par un second bâtiment de bureaux d’environ 13 000 m² faisant partie d’un projet dénommé «MixCité», pour lequel la Ville a donné son accord de principe (contesté par les villes riveraines de Vanves et d’Issy les Moulineaux qui ont obtenu sa suspension). Or, ce programme paraît excéder largement les limites du BEA tant par sa superficie que par la nature des activités prévues. S’il se réalise, la Ville de Paris devra obtenir une majoration substantielle de sa redevance» indiquent les magistrats.
Demain le Blog reviendra sur ce prjet Mixcité qui a défrayé la chronique à l’été 2019 et soulevé l’opposition des riverains vanvéens et isséens