Hanka Nectoux-Frkalova: « Notre révolution de velours ! »
Suite de l’entretien avec avec Hanka Nectoux-Frkalova qui a vécu la libération de la Tchécoslovaquie du carcan soviétique peu après la chute du mur de Berlin. Elle nous parle de la « Révolution de Velours », nom donné à la révolution tchéque. Nous reprenons la suite de la conversation au moment oùle directeur de son lycée dissuade ses éléves de se mettre en gréve. C’était le 20 Novembre 1989
« Dés le Lundi 20 Novembre, au lycée, le gardien de notre établissement et notre professeur d’histoire, qui étaient complètement pris par le mouvement, manifestaient leur joie et leur engagement pour ce qui se passait à Prague. Sachant que tous deux étaient célibataires et sans enfant, Ils n’ont montré pas hésiter à montrer leur réticence au Directeur.
Notre professeur d’histoire était connue pour ne jamais arriver à la fin de son programme, celui-ci s’étalant sur trois années, la dernière se rapportant au XX° siècle, mais comme ses élèves n’ont jamais eut de problème pour faire ensuite des études d’archéologie et d’histoire, cela ne lui a pas causé de soucis à l’époque.
Ainsi nous étions tranquilles dans notre XV° siècle et par rapport aux autres lycéens, soumis au changements successifs de l’histoire selon les remaniements du Parti, privés de livres et d’enseignement cohérent sur l’époque et les années soixante.
Avec l’avancée des événements, nous voyions un changement de comportement de certains professeurs, qui auparavant, en tant que communistes assez fervents, avaient complètement changé d’opinion et manifesté contre l’oppression en vigueur. Ceux-ci ont complètement perdu notre estime
VAQ - Qu’est-ce qui vous marque alors le plus dans cette ouverture vers l’Ouest ?
H.N.F. : « Comme je l’ai dit au début, c’était l’ouverture, l’arrivée des produits nouveaux, de la publicité, beaucoup de gens voulant tout acheter, tout sauf ce que nous avions auparavant, non par nécessité mais par principe, même si de temps en temps, le rapport qualité prix, fut hors du commun,.
Ce qui m’a également gênée, est la manière des gens de critiquer bêtement tout ce qui avait existé auparavant, et la façon individualiste et égoïste de beaucoup de gens d’user du mot « Liberté ».
L’arrivée des publicités, n’a rien n’arrangé, avec une véritable pollution de notre environnement quotidien, sur tous les murs blancs, à la radio, à la télévision, dans les journaux, sur les routes...
L’incertitude du lendemain est ensuite apparu, car auparavant tout était dirigé, contrôlé, dirigé, programmé, avec l’arrivée du chômage, la disparition d’entreprises rachetées par des firmes étrangères pour leur parts de marché et supprimer ainsi leur concurrence.
L’arrivée de la Liberté, a été pour les tchécoslovaques une soudaine liberté de choix, à, laquelle ils n’étaient pas du tout préparés, et qu’ils ont parfois utiliser n’importe comment.
Cette période me marque le plus par le sentiment de bonheur et de peur qui étaient mélangés, face à une situation entièrement nouvelle où nous ne savions plus où nous allions (contrairement à avant).
VAQ - Pourquoi cette partition de la Tchécoslovaquie en deux ?
H.N.F. : « D’abord le pays a toujours été dirigé de Prague, où étaient réunis le Parlement, le Gouvernement et la Présidence, avec un Président et un Premier Ministre tchèque et slovaque, ou inversement.
Ensuite Václav Havel devenu président, décréta la fin de la fabrication et de vente d’armes, expliquant qu’un pays libre ne doit pas fabriquer et vendre d’armes. Cette idée profondément humaniste, fut appliquée sans consultation préalable et eut un grand impacte sur l’industrie, notamment en Slovaquie, où du jour au lendemain, des milliers de gens se sont retrouvés au chômage.
Enfin, aux élections de juin 1992, il y a eut une opposition des résultats de vote entre la Tchéquie et la Slovaquie, les Tchèques votant pour un gouvernement libéral dirigé par l’actuel président Václav Klaus, les Slovaques, pour le Parti socio-démocratique de Vladimír Mečiar, devenu Premier Ministre, le Président étant tchèque. Cela posait évidemment problème.
Cette année là, j’ai pu pour la première fois visiter la France. Mais voilà, quand une amie de la famille m’a alors parlé au mois d’août de la préparation prochaine de la séparation de Tchécoslovaquie, je l’ai considérée comme folle, puisque c’était pour moi, inimaginable, et nous en avons ensuite parler comme une blague.
En revenant en Tchécoslovaquie, à la fin septembre, je voyais bien que nous commençions cependant à beaucoup parler de séparation. De chaque côté de la frontière existait une minorité de gens pour, mais en Slovaquie, les Hongrois, assez présents, étaient pour la séparation. En Tchècoslovaquie ils représentaient une minorité, mais en Slovaquie ils représentaient presque 10%. Finalement, sans aucun référendum, les politiciens ont décidé notre séparation, comme on dit chez nous, « deux coqs ne peuvent se partager un poulailler ». Cette séparation a eu finalement le lieu le 1er Janvier 1993.
Je passais le Réveillon avec des amies de l’université (tchèque et slovaque) dans un chalet en montagne slovaque. Avant minuit nous avons écouté une station de radio, une des plus populaires en Tchécoslovaquie, avec beaucoup de musique et deux commentateurs, un tchèque et un slovaque. Quand avant minuit le commentateur a annoncé que pour la dernière fois nous pouvions écouter l’hymne tchècoslovaque, nous avons tous chanté.
Après le carillon de minuit, nous n’avons plus chanté que la moitié de l’hymne tchèque, puis la moitié slovaque, avec une certaine tristesse. Puis les slovaques du chalet d’à côté, de l’âge nos parents sont venus, et nous nous sommes tous embrassés, en se promettant que nous resterions des frères pour toujours. Ca a été l’un de mes plus beaux Réveillons de Nouvel An, et le plus triste.
VAQ - Que devient la Tchéquie 20 ans après alors que ce pays est présidé par un euro sceptique ?
H.N.F. : « D’abord quel pays peut se vanter de n’avoir eut que des Présidents pro Européens ? En France, il me semble que vous êtes encore assez sommes loin.
Il faut comprendre la réaction de notre petit pays qui a souvent été victime de l’abandon de ses alliés au cours du XX° siècle, qui l’ont abandonnée (invasion en 1938 de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne nazie, sans aucune réaction de ses alliés Anglais et Français, invasion soviétique de 1968 du Printemps de Prague) ou ont traité à son encontre (Conférence de Yalta : l’Autriche devant alors faire partie du bloc soviétique, finalement échangée contre la Tchécoslovaquie, pays industriel abandonné à Staline) et ont ainsi décidé de l’avenir de ce pays sans lui.
Il y a ensuite la peur de se voir englouti dans les plus grands pays, surtout quand 20 ans après la Chute du Mur, on rencontre si peu de gens connaissant seulement l’existence de la République Tchèque (au lieu de la Tchécoslovaquie).
Il y a donc une peur que notre voix n’aie aucune valeur. Enfin notre Président, économiste de formation, est un grand convaincu du Libéralisme et de la politique de Margarethe Tchatcher, il est contre la régulation du Marché et surtout contre le système de subventions inéquitable, profitant justement aux pays assez puissants pour s’imposer.