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LE 19 MARS 2009 A VANVES

Avoir 20 ans ces années là…. (1961-1962)

 

Hier matin, pour la cérémonie, très sobre,  marquant le 47ème anniversaire du Cessez-le-feu de la guerre d’Algérie, devant la stéle au carrefour des rues Sadi Carnot/Auguste Comte, Daniel Noyer, Vice Président de la FNACA de Vanves, qui devait avoir sûremment 20 ans à cette époque, a lu ce texte, ce poéme, qu’il a écrit.

 

Partir pour quelque part

Fuir les regards amis

Redouter ce départ

Abandonner son nid.

 

Se rassurer encore

Dans le rire du copain

Et sourire à l'aurore

Qui éclaire le train.

 

Entrevoir ce grand port

Qui nous envoie vivant

Et recueille les morts

Que lui ramène le vent.

 

Sentir d'abord l'Afrique

Avant que de la voir

Qui se voile pudique

Sous la brume du soir.

 

La poussière, les camions

Le soleil qui darde

Les cahots, les horions

Et l'odeur de bouffarde.

 

Une première nuit

La tête sous les étoiles

Sous le croissant qui luit

Qu'un mince nuage voile.

 

Isolé et de garde

Dans le froid de la nuit

On écoute et regarde

En serrant son fusil.

 

Ces pas que l'on entend

Ces ombres que l'on devine

Et l'infini du temps

Quand la pensée chemine.

 

Premiers bruits de bataille

La peur qui naît au ventre

Les éclats ! La mitraille...

Ouf ! Maintenant on rentre.

 

Avec un prisonnier

Tête basse, œil triste

Qu'on emmène poings liés

Barbe noire et teint bistre.

 

Entendre à la minuit

Hurler le prisonnier

Se retrouver sali

Et se mettre à prier.

 

Des braillements dans la cour

Interrompent le repas

On attend tout le jour

L'ordre qui n'arrive pas.

 

Embrasser ses parents

Transformés en papier

S'échapper un moment

Dans les pages du courrier.

 

Disparaître dans les bras

Du rêve qui nous attend

Et sangloter tout bas

Dans nos mains de vingt ans.

 

S'habiller impeccable

Saluer la caisse en bois

Voici un libérable

Sur qui on pose une croix.

 

Maudire cette embuscade

Et cette absurdité

Penser au camarade

Dans son éternité.

 

19 mars, un avion dans le ciel

Couvre la ville de papiers

Heures de joie, heures de miel

Ils nous annoncent la paix

 

Déjà on envisage

De n'être plus kaki

Des larmes sur le visage

De mon copain harki.

 

Serrer fort dans nos poches

Nos poings clos impuissants

Déjà sa mort approche

Demain coulera son sang.

 

Fêter enfin la quille

S'évader du Djebel

Ne penser plus qu'aux filles

Qui deviennent toutes belles.

 

Les bombes du désespoir

Eclatent dans la nuit

Et brisent tout espoir.

Les Européens fuient.

 

Plaindre ces familles

De pieds-noirs déportés

Sur ces quais qui fourmillent

De bidasses décorés.

 

Adieu belle Algérie

Le sillage du bateau,

Trait d'argent dans la nuit,

Cicatrice les eaux.

 

Revenir dans sa ville

Et chanter à la ronde

Ça y est ! Je suis civil

Re découvrir le monde.

 

Entendre les tartuffes

Les héros de comptoir

S'enivrer de leurs bluffs

Aux accents dérisoires.

 

Pérorer sur la guerre

Parler même de nos morts

Dire qu'il fallait la faire

Même qu'on était très fort.

 

Sursauter chaque soir

Et chercher son fusil

Ridicule dans le noir.

A quatre pattes sur son lit.

 

Aller gagner son pain

Voir croître les arbres

Et penser aux copains

A jamais sous leurs marbres

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