«Créer une dynamique collective autour des valeurs de l’engagement ». Tel est l’objectif d’Emmanuel Macron qui avait promis pendant la campagne présidentielle de mettre en place pour les jeunes Français un service national universel, vingt et un ans après l’abandon par Jacques Chirac du service militaire. Mais cette mesure s’avère délicate à mettre en place. Et un vanvéen est chargé depuis mardi de de ce dossier, comme secrétaire d’Etat à la Jeunesse : Gabriel Attal
A l'origine, le candidat Macron avait promis en mars 2017 de rétablir un « service militaire universel » obligatoire, de courte durée « d'un mois » et « encadré par les Armées et la gendarmerie nationale » devant intervenir dans les 3 ans suivant les 18 ans. Finalement le service national universel (SNU), comportera une partie obligatoire d'un mois, vers 16 ans, pendant lequel les jeunes réfléchiront à la notion d’engagement et de citoyenneté, et seront formés à des notions de sécurité civil avec initiation aux premiers gestes de secours pendant 15 jours, puis ils travailleraient sur un projet d’engagement associatif, par petits groupes pendant 15 autres jours. L’objectif est de créer une dynamique collective, favoriser un brassage social en sortant les adolescents de leur cadre de vie habituel, réunis en internat, et un partage des valeurs de la République avant l'entrée sur le marché du travail, pendant le premier module « Il doit également s'agir d'un moment de rencontre entre la jeunesse de notre pays et la nation, et en partie son armée mais aussi d'un engagement civique » expliquait Benjamin Grivaux, porte-parole du gouvernement.
La période facultative ou volontaire, potentiellement indemnisée, se déroulerait durant une période de 3 à 6 mois, « pour ceux qui ont envie de s'engager davantage encore » et qui pourrait s'effectuer avant 25 ans, consacrée à un projet de volontariat «dans des domaines aussi variés que la défense, l'environnement, l'aide à la personne, le tutorat, la culture, en s’inspirant du service civique lancé sous le mandat de François Hollande qui comptabilise 100 000 volontaires par an. Cet engagement donnerait lieu à « des mesures d'attractivité variées et ciblées », selon le gouvernement : facilités d'accès au permis, crédits universitaires, éventuelle indemnisation…
Mais ce projet est resté flou volontairement jusqu’à présent, car il doit faire l’objet d’une vaste consultation menée auprès de la jeunesse et de ses organisations mais aussi auprès des parents d'élèves, des syndicats d'enseignants et des collectivités territoriales, afin de définir précisément le contenu et les modalités de la phase obligatoire du SNU. Le dispositif a vocation à toucher 750.000 jeunes par an, mais en 2026. Car sa mise en place sera progressive. Le SNU commencerait à être mis en oeuvre « à l'été 2019 », mais il « ne concernera pas toute une classe d'âge » dans l'immédiat et sera progressivement mis en place sur plusieurs années. Ce projet suscite la méfiance et la perplexité en raison de son coût potentiel, du casse-tête posé par l'hébergement et l'encadrement de centaines de milliers de jeunes par an ou encore de son caractère obligatoire. L'encadrement et l'hébergement restent à définir. Quant au coût, un rapport produit par le Sénat en juin dernier l’estimait, lui, à 30 milliards d'euros pour une génération de jeunes, soit 800 000 individus. D’ailleurs le député François Cornut-Gentille a mis les pieds dans le plat quant à la finalité de cet engagement dédié aux jeunes : «Soit ça ne coûte pas cher mais ça ne sert à rien, soit on met le paquet pour que ça marche, mais la France n'en a pas les moyens et a d'autres priorités».
Il a aussi très vite suscité la méfiance de l'armée, la perplexité du monde éducatif ainsi que l'hostilité des syndicats étudiants - la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes), le SGL (Syndicat général des lycéens), l'UNL (Union nationale lycéenne) - qui ont signé une tribune dans le JDD (Le Journal du Dimanche) pour s’opposer frontalement à cette proposition d’E.Macron en soulignant «le caractère contraignant du SNU» et les « incohérences du projet ». Si le caractère obligatoire dérange certains jeunes, d'autres en revanche voient ce projet comme un moyen d'aider les décrocheurs scolaires. Enfin, le projet du service national universel affiche l'ambition de faire «acquérir un corpus de valeurs citoyennes et de solidifier la résilience de la nation » . D’ailleurs les auteurs du rapport mettent en garde contre l’un des plus importants écueils sur lequel pourrait s’échouer le projet : la contrainte. « Le service national universel ne doit pas être conçu, ou regardé, comme le projet d’adultes, raisonnables et vieillissants, imposant à une jeunesse turbulente une période durant laquelle on lui enseignerait l’autorité et les vraies valeurs »-
« Il ne s'agit pas de réinventer le service militaire » mais de donner « à la jeunesse de France des causes à défendre, des combats à mener dans les domaines social, environnemental, culturel », avait plaidé le chef de l’Etat lors de ses voeux aux forces vives de la Nation et aux corps constitués. Il a aussi pour objectif de renforcer le lien entre l’armée et les citoyens. « La situation stratégique, les menaces qui pèsent sur notre pays nous commandent de renforcer le lien armée-nation » avait ainsi estimé le futur président, pendant sa campagne présidentielle. Dans une France secouée par une série d'attentats jihadistes, il y voyait «un projet de société majeur, un véritable projet républicain, qui doit permettre à notre démocratie d’être plus unie et d’accroître la résilience de notre société ».